Récit d’une carrière de marin : une vie hors des standards

Depuis quelques mois, je travaille à un nouveau projet : la biographie de carrière de Gérard, marin et spécialiste de la lutte anti-sous-marine durant seize ans ! Une biographie très enthousiasmante et une véritable plongée – sans jeu de mots – dans le monde de la marine nationale. Pour ne rien gâcher, cet extrait de vie est l’occasion de voyager au bout du monde… tel qu’il était dans les années 1980 !

Biographie de carrière marin

Le récit d’une carrière dans la marine ou l’art de changer de paradigme

Le récit de carrière est une opportunité unique de découvrir de nouveaux univers professionnels… et de changer entièrement de point de vue ! Je l’apprends au fil de ce projet : la vision que l’on a de l’armée, et notamment de la marine, est souvent floue ou fantasmée ! Loin de la vie sur les voiliers en route vers le Nouveau Monde, mais aussi plus surprenante et drôle qu’on ne l’imagine, l’existence du marin moderne ne manque pas de piquant. A l’issue de sa carrière, Gérard a d’ailleurs eu un certain mal à s’acclimater à la vie terrestre !

Dans ce récit, on découvre des personnages souvent hauts en couleurs, joyeux fêtards, n’ayant connu d’autre formation que celle de l’armée. La camaraderie et la solidarité imprègnent les nombreuses expériences de Gérard qui a trouvé, au fil de ses affectations, une véritable famille dans la marine.

Les expériences vécues à l’étranger méritent elles aussi d’être consignées. Dans des pays alors très peu marqués par le tourisme, le choc des cultures est total ! De l’éloge de la lenteur à Tahiti à l’ambiance pesante des ruelles de Djibouti en passant par les extravagants restaurants flottants de Hong Kong, on voyage volontiers à bord du Balny, pittoresque aviso-escorteur, en compagnie du jeune marin avide de découvertes.

Aborder la biographie de carrière sans a priori

Ce projet, comme toutes les biographies, est une opportunité de découvrir un univers inconnu et de prendre un véritable recul sur le monde du travail tel qu’il était quarante ans en arrière. Car le numérique a bouleversé les méthodes et, plus encore, le regard que l’on porte désormais sur son quotidien.

La marine des années 1980, ce sont de nombreux procédés manuels et beaucoup plus d’incertitudes, inhérentes aux communications moins abouties. Ce manque d’information n’en est en réalité pas un : à cette époque préservée où l’information s’échange « lorsque c’est possible », et non de manière instantanée, on prend les aléas avec davantage de philosophie… et de débrouille.

La biographie sans a priori

L’écriture de la biographie de carrière marque donc souvent un retour à des années plus calmes et donne à réfléchir sur notre propre quotidien. Considérer les décennies passées sans idée préconçue, c’est s’émerveiller de l’insouciance, parfois même de la naïveté des générations précédentes à un âge où nous-mêmes étions déjà surinformés. On en tire de nombreux enseignements et, souvent, une vraie leçon d’humilité.

UN EXTRAIT DE LA BIOGRAPHIE DE CARRIERE DE GERARD

« Durant ces années dans le Pacifique, nous effectuons de nombreuses missions météo. Les images satellite n’existant pas encore, il nous faut suivre les cyclones et prévenir les îles de leur arrivée par radio. Seulement voilà : en réalité, un cyclone fait ce qu’il veut et réserve sa part de surprises !

Un jour que nous sommes sur les talons de l’un d’eux, le voilà qui décide de faire demi-tour et fonce droit sur nous. La houle est déjà forte, avec des vagues jusqu’à sept ou huit mètres. A ces conditions, déjà pas idéales, s’ajoute bientôt un problème de taille : la ligne d’arbre, que nous ne possédons qu’en un seul exemplaire sur notre vieux rafiot, s’arrête sans prévenir ! La pompe à huile chargée de le refroidir à intervalles réguliers a vu l’une de ses courroies céder. Nous sommes en mauvaise posture…

Ballotté par la houle, le bateau se place peu à peu en travers de la vague. Une position qui nous met dans un danger terrible, celui de nous retourner. L’urgence est grande de réparer la panne et de fuir le cyclone, en approche rapide. Mais les mécanos se démènent sans succès alors que les vagues atteignent dix, puis douze mètres, la hauteur d’un immeuble de six étages.

« L’équipage au poste d’évacuation. Rejoignez vos zones ». L’annonce est sans appel : en l’absence de solution, il nous faut quitter le navire.

Lulu et moi nous dirigeons donc prestement vers la zone avant, sans nous douter que nous ne sommes pas au bout de nos émotions. Car les 15 à 20 degrés de gîte nous projettent d’un mur à l’autre, nous forçant à nous accrocher à ce qui se trouve à portée. Particulièrement poissard, Lulu ne trouve pas mieux que se cramponner à l’encoignure d’une porte étanche, battant massif d’une dizaine de kilos destiné à fermer hermétiquement une pièce. Le crochet qui la retient ne tenant pas, cette même porte se rabat, venant lui écraser les doigts. Lulu hurle comme un cochon qui passe à la rôtissoire, mais ne lâche pas prise pour autant. Au coup de gîte suivant, le voilà qui reçoit une nouvelle fois le battant sur la main !

Secoués de gauche et de droite, mes compagnons et moi tentons tant bien que mal de le secourir notre ami au bord de l’évanouissement. Pas facile de mettre un pied devant l’autre… L’opération nous prend donc un certain temps. Une fois posé au sol, Lulu trouve tout de même la force de déclamer, théâtral : « Laissez-moi là, les gars. Vous direz à ma femme que je l’aime. » L’ambiance est pourtant loin d’être propice aux élans lyriques ! Dans l’énorme agitation qui règne, on proteste et on entoure Lulu. Il nous faut rapidement aller chercher des pansements à l’infirmerie. »